Face à l'émergence des nouveaux médias et plus particulièrement du développement d'internet, "la presse résiste assez bien" pense Henri Pigeat, président du CFJ et président de la Task Force "Quality" de la WAN (l'association mondiale des journaux). L'ancien président de l'Agence France Presse ne lance pas ce cri de résistance sans arguments:
- 1,2 milliard de personnes disent lire un quotidien chaque jour dans le monde
- les quotidiens restent le deuxième support de publicité au monde avec un chiffre d'affaires de 190 milliards de dollars
- les nouvelles formules et les innovations sont en augmentation ces dernières années dans la presse
"Nous ne sommes pas devant une crise de demande, mais devant une crise d'offre", en déduit Henri Pigeat qui du coup pose cette question: "Comment nous adapter?" Evidemment, face à ces enjeux, les rédactions se retrouvent en première ligne. Sont-elles aujourd'hui en configuration et dans un état d'esprit suffisamment offensif pour relever ce défi?
L'adaptation suggérée par Henri Pigeat doit selon lui s'appuyer sur trois nécessités:
- la formation continue des équipes rédactionnelles
- le contrôle qualité de nos produits
- la réorganisation de nos rédactions
"Les journalistes ne doivent pas être victimes du changement, mais acteurs du changement", lance avec conviction Jacques Camus, le patron de la République du Centre. Cela signifie "mettre en oeuvre de nouvelles pratiques, en liaison avec les acteurs sociaux", repenser le "contrat de lecture", "assumer ses responsabilités de journalistes avec le lecteur".
Pour ce dirigeant de la presse quotidienne régionale, "nous avons aussi une légitimité sur internet": en suscitant des débats permettant la confrontation des idées et des points de vue via internet repris ensuite dans l'édition papier par exemple; en travaillant avec des panels de lecteurs sur des sondages réguliers, en faisant du journal dans sa combinatoire papier-web "un facilitateur de relations", contribuant ainsi au "renforcement de la fonction de lien social du journal".
La presse doit donc réagir sur le web, repasser à l'offensive, remobiliser ses troupes sur de nouvelles stratégies relationnelles avec le lecteur (ou plutôt l'ex-lecteur ou le non-lecteur), ce média-consommateur qui demande autre chose qu'un rapportage d'information du lendemain, institutionnel souvent, autre chose qu'un simple miroir présenté à la vie locale avec tous ses archétypes, une autre manière de prendre en considération la diversité des points de vue par rapport à la pensée dominante, un autre rapport à l'utilité, un vrai service gagnant (le consommateur cherche le profit à retirer de l'usage d'un média), mais aussi une forme de divertissement dans la relation sociale tel que l'expression dans des blogs ou des forums le permet.
Cette presse qu'on croit volontiers sclérosée dans ses certitudes, coulant lentement comme le Titanic au mileu des icebergs hostiles des nouveaux médias, abandonnée par des cyber-consommateurs en quête de gratuité et de zapping ou d'encyclopédisme au rabais (l'internet c'est le meilleur et/ou le pire), cette presse donc, semble se réveiller aujourd'hui. Mais attention, il faut aller vite...